PasseportSanté.net – Quels sont les principaux effets de l’apport en oméga-3 sur le développement des enfants?
Bruce Holub – Chez les enfants, l’apport en oméga-3 est important autant avant qu’après la naissance. Les femmes enceintes qui n’ont pas suffisamment d’oméga-3 dans leur alimentation, pendant les trois derniers mois de la grossesse, ont plus d’enfants ayant des problèmes de comportements sociaux. Ils ont aussi un quotient intellectuel moins élevé que ceux qui ont bénéficié d’un apport suffisant.
L’importance des oméga-3 pendant ces trois derniers mois de grossesse est capitale : c’est pendant cette période que le cerveau du foetus emmagasine le plus d’ADH, l’un des deux acides gras essentiels – avec l’AEP – présents dans les poissons gras.
Et c’est l’ADH qui permet d’optimiser les fonctions cognitives du cerveau, que ce soit sur le plan de l’apprentissage, de la mémoire, et même de l’acuité visuelle.
PasseportSanté.net – Faut-il privilégier le poisson ou les suppléments d’oméga-3?
Bruce Holub – Il n’y a pas de différences notables quant à la biodisponibilité des oméga-3 dans le tube digestif, qu’ils proviennent des poissons ou des suppléments, dans la mesure où les suppléments sont pris au moment des repas.
Mais la Dre Hélène Jacques, de l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l’Université Laval (INAF), a démontré que les protéines du poisson pouvaient apporter d’autres bienfaits pour la santé en général – tant pour l’enfant à naître que pour la future maman. Et lorsque l’enfant est au monde, une consommation régulière de poisson agit à long terme sur la santé.
PasseportSanté.net – Mais n’y a-t-il pas de contre-indication à consommer du poisson pour les femmes enceintes?
Bruce Holub – Il y a une fausse croyance, attribuable à l’actualité souvent alarmiste, selon laquelle le poisson contient des contaminants et que sa consommation, pendant la grossesse, peut altérer le développement du cerveau de l’enfant à naître. C’est vrai pour les gros poissons, comme l’espadon, le requin et certains thons, mais ce n’est pas le cas pour bien d’autres poissons. Par exemple, la truite arc-en-ciel du Québec de même que le saumon sont des sources formidables d’oméga-3 sans danger pour le foetus.
Et qu’ils soient sauvages ou issus de l’élevage importe peu. Une étude québécoise a même révélé que le saumon et la truite arc-en-ciel d’élevage, vendus dans les épiceries québécoises, contiennent moins de contaminants – BPC ou métaux lourds comme le mercure – que ceux issus de la pêche commerciale. L’étude indiquait aussi que ces poissons d’élevage contiennent plus d’oméga-3 que ceux d’origine sauvage.
PasseportSanté.net – Comment les oméga-3 peuvent-ils aider les enfants qui ont des problèmes spécifiques?
Bruce Holub – Récemment, deux études ont fait état de résultats très intéressants. Dans la première, on a administré quotidiennement un supplément de 700 mg d’oméga-3 d’origine marine à des enfants de 8 ans à 11 ans. Ils éprouvaient des problèmes de coordination, des troubles d’épellation et de lecture et des problèmes de comportement. En seulement trois mois d’intervention, on a réduit leur retard de neuf à trois mois, contre 12 mois pour ceux du groupe contrôle.
La deuxième étude portait sur des enfants de 10 ans atteints de dépression. Suivis par un psychiatre, mais ne prenant aucun médicament, ils ont été séparés en deux groupes : la moitié d’entre eux prenaient un supplément de 700 mg à 800 mg par jour, l’autre un placebo. Après huit semaines, ceux du premier groupe ont connu une réduction importante de leurs symptômes au test de dépression administré par les psychiatres, ce qui ne fut pas le cas pour les autres.
Mais l’action des oméga-3 ne touche pas seulement les enfants souffrant d’un problème cognitif : ils sont essentiels au développement et à la protection du cerveau chez les enfants en général.
PasseportSanté.net – La consommation d’oméga-3 pendant l’enfance procure-t-elle des bienfaits à long terme?
Bruce Holub – Absolument! Sur le plan de la santé cardiovasculaire, les preuves sont là et personne ne les met en doute.
Concernant la maladie d’Alzheimer, on sait qu’une consommation régulière de poisson, tôt dans la vie, retardera probablement l’apparition de la maladie et ralentira sa progression.
Par ailleurs, on attend beaucoup des nombreuses recherches menées actuellement et qui détermineront dans quelle mesure les oméga-3 peuvent agir sur le cancer et l’inflammation chronique, dont les allergies et l’asthme.
PasseportSanté.net – Êtes-vous satisfait de l’introduction des oméga-3 dans les recommandations du Guide alimentaire canadien?
Bruce Holub – Le guide dit maintenant qu’il faut deux portions de poisson par semaine et c’est mieux que l’unique portion que recommandait la dernière version. Mais les preuves scientifiques démontrent qu’on obtient des bienfaits encore plus probants avec cinq portions par semaine, et ce, tant pour prévenir les maladies cardiovasculaires que pour améliorer l’état de santé en général.
Notre pays a un urgent besoin d’établir de nouvelles recommandations officielles quant à l’apport requis en ADH et AEP, c’est-à-dire les acides gras contenus dans les oméga-3 d’origine marine. Les Australiens l’ont fait il y a quelques mois. Pourquoi pas le Canada?
Plus largement, je crois que le temps est venu d’intégrer les oméga-3 aux soins de santé.
Par exemple, on a déjà démontré que chez les personnes ayant un taux de triglycérides sanguin élevé, une supplémentation de 3 g par jour d’oméga-3 diminue de 25 % à 30 % ce taux… à l’intérieur de trois ou quatre semaines! Il faut sérieusement considérer la possibilité d’intégrer les oméga-3 aux soins en matière de santé cardiovasculaire.
Même chose pour la maladie d’Alzheimer : chez les personnes qui en sont atteintes au stade précoce, un supplément pendant un an stoppe la maladie.
Ce dont il est ici question, c’est de la gestion de risque : veut-on prévenir ou guérir?
Martin LaSalle – PasseportSanté.net
Le 17 septembre 2007
1. Le professeur Bruce Holub est aussi le directeur scientifique d’un site Internet qui présente de l’information sur la santé et la recherche fondée sur des données probantes en matière d’oméga-3. Son site est accessible à l’adresse www.dhaomega3.org [consulté le 17 septembre 2007].
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